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TRIBUNE

«Favoriser l’emploi des jeunes, c’est encourager leur sens de l’initiative et leur capacité créatrice»

Événementsdossier
par Martin Hirsch, ancien haut commissaire à la jeunesse
publié le 14 septembre 2015 à 15h26
(mis à jour le 14 septembre 2015 à 16h07)

Tribune. La question du chômage des jeunes est un fléau pour de nombreux pays qu'ils soient en développement, comme nombre de pays du continent africain, ou qu'ils soient très industrialisés, comme la France et quelques autres pays européens. Le chômage reste un problème capital pour les pays jeunes démographiquement comme pour les pays ayant déjà accompli depuis longtemps leur transition démographique et aux prises avec le vieillissement.

Les conséquences du chômage des jeunes sont majeures sur le plan économique, social et politique et, donc, tout simplement sur la stabilité d’un pays.

Si dans les pays comme la France, le chômage des jeunes a tendance à nettement décroître avec le niveau de qualification, dans de nombreux pays africains, le chômage des jeunes diplômés est aussi important que celui du reste de la jeunesse. Ceci conduit non seulement à un gâchis financier – les études ont un coût pour l’Etat comme pour les jeunes – mais aussi à décrédibiliser le système éducatif et notamment universitaire. Il conduit, en plus, à une migration des jeunes diplômés dans des pays qui auraient besoin de cadres formés et qualifiés.

Cela doit certainement conduire à donner la priorité à l’emploi des jeunes diplômés. Le développement de services publics de « production », comme l’éducation et la santé peuvent y contribuer, ce qui permet de répondre à deux besoins en un. Dans l’éducation, il pourrait être envisagé de proposer des contrats de trois ou cinq ans à de jeunes diplômés pour enseigner, ce qui pourrait amener certains d’entre eux à continuer dans le système éducatif au-delà de ce contrat et à d’autres de pouvoir s’orienter vers d’autres secteurs avec une première expérience. Dans le domaine de la santé, une politique structurée pour développer l’accès aux soins, telle qu’elle est encouragée par les organisations internationales, pourrait contribuer à absorber une partie des jeunes diplômés.

Une politique publique peut également utiliser un outil intéressant, le service civique qui permet à des jeunes de se consacrer pendant une période, qui peut aller jusqu’à un an, à des activités d’intérêt général et ainsi d’acquérir une première expérience et qui peut être l’occasion de recevoir une formation de base.

Favoriser l’emploi des jeunes, c’est encourager leur sens de l’initiative et leur capacité créatrice, aussi bien dans le champ économique que dans celui de la créativité et du développement, pour qu’ils puissent être eux-mêmes les leviers du changement. En France, nous avons ainsi, il y a peu plus d’un an lancé, à l’initiative du Président de la République « la France s’engage » pour que l’Etat aide à faire grandir des initiatives engagées de la société civile, initiatives labellisées « chantier présidentiels ». Cette année, nous avons élargi ce processus en lançant « la France s’engage au Sud » pour soutenir des initiatives de la société civile, présentant un fort potentiel, provenant des pays du Sud, à commencer par les pays d’Afrique. Plus de 500 projets ont été ainsi soumis au jury de « la France s’engage au Sud » et pour présider le jury, je peux témoigner de la qualité et de l’originalité de ces projets, mêlant souvent usage des nouvelles technologies et actions de solidarité. Il est encore trop tôt pour pouvoir tirer un bilan, mais cette idée pourrait peut-être se transformer en une initiative intergouvernementale, pour favoriser l’émergence de projets, ayant vocation à se développer dans plusieurs pays, grâce bien sûr à des porteurs locaux.

Education et formation, mobilisation des emplois publics dans les secteurs productifs, soutien aux initiatives des jeunes, cela nécessite des ressources, publiques et privées. Vérifier que l’on fait le meilleur usage de ces ressources est indispensable. Procéder par des programmes expérimentaux, évalués avec rigueur, peut aider à trouver les voies les plus efficaces. En France, nous avons eu l’occasion de tester plusieurs mesures par cette étude. Montrer par exemple que le soutien budgétaire à l’acquisition du permis de conduire n’avait aucun effet sur l’emploi des jeunes alors qu’un programme dit « garantie jeune » combinant formation, accompagnement et soutien financier pouvait avoir un impact sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Ces programmes ont été conduits dans une première phase, en comparant l’évolution de la situation d’un échantillon de jeunes bénéficiant du programme à un échantillon de jeunes comparable, hors programme. Ces méthodes sont utilisées, avec succès dans plusieurs pays. Elles mériteraient d’être développées et cela peut se faire là encore dans un cadre qui dépasse celui d’un seul pays, plusieurs d’entre eux étant confrontés aux mêmes problèmes et gagnant à mutualiser la recherche de solutions.

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